Le mystère de la tombe
La date exacte de la naissance de François Rabelais n´est pas connue. Son cinqcentième anniversaire fût fété en 1994, cependant selon d´autres sources il aurait pu naître soit en 1495, soit en 1483. Cette dernière date est souvent considérée comme la plus fiable, puisque plusieurs biographistes citent "F.R. décédé, agé de 70 ans, le 9 avril 1553, a été enterré dans le cimetière de Saint-Paul à Paris".
Le Cercle Rabelais de Helsinki, afin de vérifier les faits à leur source, envoya un de ses membres à Paris en décembre 2000. Tâche facile: aller au cimetière et prendre en photo la tombe de Rabelais. L´Eglise de Saint-Paul se trouve dans le Marais, encerclée de partout d´immeubles d´habitation. Mais, pas de tombe! Une réligieuse se souvint de ce que le cimetière eut été démoli depuis longtemps.
La recherce continua. Il existe à la Bibliothèque historique du Marais des catalogues des tombes de personnalités, mais pas celle de Rabelais. Les Archives Nationales étant tout proches, voilà notre enquêteur montant les gradins pour feuilleter soigneusement les cinq volumes de L´Epitaphier de Paris du 19e siècle. Pas une ligne sur la tombe de Rabelais!
Pour vérifier que la tombe de Rabelais n´ait pas été transférée ailleurs, notre enquêteur parcourut aussi les cimetières Montmartre, du Montparnasse et du Père-Lachaise où les tombes des célébrités sont bien signalées. Rabelais n´y était pas.
Citation d´une biographie trouvé plus tard: "Lors de la fouille de l´ancien cimetière Saint-Paul en 1846, le cercueil de Rabelais est exhumé, et entreposé à l´Hôtel de Ville. Selon le procès-verbal, il contient "les restes impurs d´un homme qui souilla la robe sacerdotale par le cynisme de ses écrits et la licence de ses mœurs". Personne ne désirant prendre en charge le défunt (merci Chinon, "petite ville, grand renom..."), les os iront finir de pourrir dans l´anonymat humide des catacombes, en une promiscuité sans discernement qui n´aurait pas déplu à leur propriètaire. Le plomb du cercueil sera récupéré par la municipalité." (J-M Laclavetine: Rabelais, La Devinière ou le havre perdu).
Autres éléments du mystère: L´Eglise Saint-Paul-Saint-Louis avait été construite dans les années 1480, par la Compagnie de Jésus! Aurait-on enterré l´ancien moine fransciscain, écrivain accusé de blasphème dans un cimetière de jésuites, et trente ans après sa mort?!
La recherche continue. Le Cercle Rabelais de Helsinki sera reconnaissant à celui qui pourra éclairer le mystère de la tombe de Rabelais. Ecrivez-nous.
Mise à jour le 4.2.2001/Martti Hyvönen
Un peu d´éclaircissement
Voici le résultat des recherches ultérieures à la Dévinière en mars 2001:
Le 9 janvier 1553 Rabelais résigne ses cures de Meudon et de Saint Christophe du Jambet. Il meurt début mars. Une pièce notariale du 14 mars porte son frère Jamet Rabelais comme légataire universel. L'epitaphier de l'église St Paul donne la date du 9 mars comme celle de sa mort et indique que le décès a eu lieu rue des Jardins.
Lors des travaux d'aménagement de Paris du Baron Haussmann, certains cimetières ont du être détruits, ainsi parfois que certaines églises. Une publication était réalisée, laissant aux familles ou aux municipalités et institutions diverses un délai légal permettant de réclamer les corps.
Rabelais n'ayant aucun descendant, le département de l'Indre et Loire aurait pu réclamer le corps de Rabelais mais il parait que ce département avait alors d'autres préoccupations avec un groupe anarchiste qui faisait beaucoup parler de lui. D'autre part, une demande (de quelle origine?) avait alors été faite auprès du Ministre pour que Rabelais soit inhumé au Panthéon. La demande a été bloquée par un fonctionnaire zélé qui a noté sur le dossier: "prêtre athée". La demande n'est jamais allée jusqu'au Ministre.
Comme pour tous les corps non réclamés, un tibia et le crâne ont alors été placés dans les catacombes de Paris et les autres ossements ont été jetés dans la Seine. Les pierres tombales ont été détruites. Les 2 paroisses de St Paul et de St Pierre ont fusionné en une seule: St Pierre-St Paul.
Elisabeth Nebout
Courrier du 25.3.2001